Ces quartiers sont considérés à tort ou à raison comme les fiefs des contestations du troisième mandat du président Pierre Nkurunziza. Des corps sans vie sont souvent ramassés le lendemain et plus d’un se pose une question sans réponse claire : « Pourquoi des tirs alors que les manifestations sont presque étouffées ? » Coté population il ya une réponse : « ce sont des policiers avec les jeunes Imbonerakure du CNDD-FDD qui nous tirent pour venger leur Général » lâche Amédée avec une certaine colère contre ces faiseurs de l’ordre. A quelques mètres de notre interlocuteur de la commune Nyakabiga, des policiers sont assis sur une fondation. Selon eux « nous vivons bien avec ces habitants, ils nous donnent même de l’eau à boire la journée. Mais la nuit, ces jeunes ont des armes. Ils nous tirent dessus lors de nos patrouilles et nous répliquons pour nous protéger ».
Fait curieux : le lendemain chacun vaque à ses occupations comme si de rien n’était à condition qu’il n y ait pas aussi une fouille perquisition.
La vie reprend quand même.
Dans les quartiers marqués par plusieurs manifestations de la Mairie de Bujumbura, il n y a plus de barricades sur les routes principale. Les bus, les mini-bus, motos et même taxis-vélos font des navettes comme à l’accoutumée. Mais l’ambiance n’est plus la même dans ces quartiers comme avant les manifestations débutées le 26 avril 2015 contre la troisième candidature du président Pierre Nkurunziza pour un troisième mandat.
Dans les zones de Ngagara et Cibitoke, les boutiques ouvrent, les taxis et vélos aussi aident dans le transport mais la forte présence de policiers et de temps en temps de l’armée prouvent que la situation n’est pas revenue à la normale. Selon Prosper, boutiquier de la zone Cibitoke, avant les manifestations contre le 3ème mandat du Président Pierre Nkurunziza, « je faisais entrer dans la caisse de ma boutique au moins 300 milles Francs burundais par jour. Mais aujourd’hui pour faire entrer 50 milles francs c’est une bénédiction divine car tous mes clients du quartier ont pris la fuite et d’autres ont migré vers d’autres quartiers plus ou moins sécurisés » raconte ce boutiquier natif d’Itaba en province Gitega au centre du Burundi.
Les taxis vélos sont eux aussi victimes de l’insécurité. Gérard de Kayanza qui avait une recette quotidienne de 2000 Francs précise : « ces derniers jours pour avoir 700 Fbu c’est un parcours de combattant ».
Plus au centre dans les quartiers de Jabe et Nyakabiga, la situation est presque la même. Pas de clients dans les cafétérias du quartier et les boucheries ferment une à une. Jeanne, propriétaire d’une cafétéria du coin, parle d’une perte énorme dans son commerce : « mes clients étaient des étudiants, chaque étudiant prenait au moins un demi-litre ou un litre de lait par jour mais aujourd’hui les étudiants ne vont plus dans leurs auditoires et d’autres préfèrent ne plus se faire le luxe de boire du lait faute d’argent » termine notre interlocutrice de Nyakabiga.
Musaga. Un autre épicentre des manifestations contre le 3ème mandat de Nkurunziza, la vie reprend petit à petit, du moins la journée, et les routes sont dégagées bien que la police et l’armée sont visibles sur certaines avenues de cette zone du Sud de Bujumbura. Védaste, un motard du quartier, affirme qu’il ne gagne rien depuis la fin des manifestations. « Avant les manifestations, j’avais un versement garanti de 10 milles francs chez mon patron et moi aussi je rentrais avec plus de 5 milles francs, un repas bien copieux et un réservoir d’essence plein chaque soir. Cela fait deux mois que j’utilise les motos de mes amis et verser 10 milles francs au propriétaire de la moto c’est une équation à multiples inconnus » se lamente ce jeune de 26 ans de la commune Gisozi de la province Mwaro.
Les policiers y sont pour quelque chose.
Ces agents de l’ordre sont les fils mal vus du pays depuis le début des manifestations. Ils n’hésitaient pas à tirer sur tout ce qui bougeait durant ces manifestations. En ce moment, ils sont très nombreux dans les rues et les motards comme les taxis-vélos disent les craindre car à tout moment les tirs sporadiques sont entendus dans ces quartiers. Les boutiques ferment, les motards et taxis-vélos se sauvent et la journée se termine sans versement ni nourriture. Certaines avenues de Musaga sont creusées pour barrer la route à ces policiers et les empêcher de faire des navettes dans cette zone.