La Commission Vérité et Réconciliation (CVR) du Burundi est secouée par une crise interne majeure. Deux de ses commissaires, Noé Clément Ninziza, vice-président de la CVR, et Aloys Batungwanayo, ont récemment été forcés de démissionner sous des accusations jugées infondées. À l’origine de cette controverse se trouvent Pierre Claver Ndayicariye, président de la CVR, et Daniel Gélase Ndabirabe, président de l’Assemblée Nationale. Ces derniers sont accusés d’avoir orchestré ces départs pour des raisons ethniques et politiques.
Noé Clément Ninziza, d’ethnie tutsi, et Aloys Batungwanayo, d’ethnie hutu, ont été contraints de quitter leurs fonctions au sein de la CVR. Selon des sources proches de l’Assemblée Nationale, ces démissions ont été imposées par Pierre Claver Ndayicariye et Daniel Gélase Ndabirabe sous des prétextes fallacieux.
Noé Clément Ninziza a été accusé de travailler avec le Rwanda en raison de son appartenance ethnique tutsi et des relations supposées entre son église et d’autres églises situées en Ouganda et au Rwanda. De son côté, Aloys Batungwanayo a été accusé de collaborer avec "les blancs", une accusation liée à une visite récente de chercheurs américains au Burundi.
Une visite qui a déclenché la crise
Le conflit a éclaté au début de l’année 2025 lorsqu’un groupe de chercheurs américains issus de l’Université North Eastern Illinois (États-Unis) est arrivé au Burundi pour mener des recherches sur les génocides et les droits humains en Afrique. Ces chercheurs avaient été invités par Jeanine Ntihirangeza, une Burundaise qui collabore régulièrement avec cette université. Orpheline des massacres de 1972, elle admire le travail effectué par la CVR.
Lors de leur arrivée, ces chercheurs ont été accueillis par Noé Clément Ninziza et Aloys Batungwanayo en l’absence du président Pierre Claver Ndayicariye. Ce dernier aurait refusé d’aller les accueillir et aurait vu dans cette rencontre une opportunité pour discréditer ses deux collègues. Selon des informations recueillies auprès d’un cadre de l’Assemblée Nationale, Pierre Claver Ndayicariye s’est précipité chez Daniel Gélase Ndabirabe pour accuser les deux commissaires d’avoir divulgué "les secrets" de la CVR aux étrangers.
Cependant, les discussions entre les chercheurs américains et les commissaires portaient uniquement sur un rapport déjà public : celui qui qualifie les massacres de 1972 comme un génocide perpétré contre les Hutus. Rien ne justifiait donc les accusations portées contre eux.
Une démonstration de force rapide et brutale
Daniel Gélase Ndabirabe n’a pas tardé à agir après ces accusations. Selon ses proches, il est connu pour ne pas hésiter à prendre des décisions radicales lorsque cela concerne un Tutsi ou un étranger. Il a immédiatement convoqué Noé Clément Ninziza et Aloys Batungwanayo pour leur demander de remettre leurs lettres de démission.
Aloys Batungwanayo a été accusé d’être trop proche des "blancs", tandis que Noé Clément Ninziza a été ciblé pour ses prétendues connexions avec le Rwanda. Sous pression, les deux commissaires ont fini par céder et ont remis leurs lettres de démission. Quelques heures seulement après leur départ forcé, Daniel Gélase Ndabirabe a publié un communiqué appelant à candidatures pour remplacer les deux commissaires.
Malgré ces accusations graves, il est apparu que l’université américaine en question avait signé un partenariat officiel avec la CVR en 2021. Ce partenariat avait même été conclu sous la supervision directe du président Pierre Claver Ndayicariye lui-même. Cette révélation remet en question la légitimité des accusations portées contre Ninziza et Batungwanayo.
Au sein même de l’Assemblée Nationale, les agissements du président de la CVR Pierre Claver Ndayicariye et du président de l’Assemblée Nationale Daniel Gélase Ndabirabe suscitent incompréhension et malaise. Certains cadres estiment que ces manœuvres sont motivées par des rivalités internes au CNDD-FDD (parti au pouvoir). En effet, Pierre Claver Ndayicariye considérerait Aloys Batungwanayo comme un potentiel rival pour la présidence future de la CVR.
Depuis leur démission forcée, personne ne sait où se trouvent Noé Clément Ninziza et Aloys Batungwanayo.