Liberté de la presse au Burundi : une dégradation alarmante et un climat de peur persistante

Le dernier classement mondial de la liberté de la presse publié par Reporters sans frontières (RSF), à la veille de la Journée internationale dédiée à la liberté de la presse, confirme une régression préoccupante au Burundi. Le pays a chuté de 17 places, passant de la 108ᵉ à la 125ᵉ position sur 180 pays évalués, avec un score global qui s’est effondré de 6,34 points, passant de 51,78 à 45,44 en 2025. Cette chute reflète un recul généralisé sur tous les indicateurs clés : politique, économique, législatif, social et sécuritaire.
L’exercice du journalisme au Burundi est devenu particulièrement périlleux. Cette année, deux femmes journalistes ont été condamnées à des peines de prison ferme pour « atteinte à l’intégrité du territoire national », l’une d’elles étant toujours en détention. Une centaine de journalistes vivent en exil depuis près de dix ans, fuyant les persécutions et les pressions politiques.
RSF dénonce une surveillance étroite de la presse par les autorités, avec une ingérence marquée dans le fonctionnement et la désignation des membres du Conseil national de la communication (CNC). Le récent code de conduite des médias à l’approche des élections impose des restrictions draconiennes, notamment l’interdiction de publier des résultats partiels sans l’aval de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Ces mesures sont perçues comme des outils de musellement de la liberté d’expression.
Le régime burundais a instauré une véritable culture de la peur, tant dans la société que dans les rédactions. Les journalistes sont considérés tantôt comme des « patriotes à former », tantôt comme des « ennemis de la nation » s’ils résistent à la ligne officielle. Malgré la libération récente de la journaliste Floriane Irangabiye, la situation globale reste critique. La menace d’arrestation, d’agression ou de harcèlement pèse quotidiennement sur la profession. Les journalistes arrêtés sont systématiquement accusés d’« atteinte à l’intégrité du territoire national », tandis que les auteurs d’exactions bénéficient d’une totale impunité. L’affaire Jean Bigirimana, journaliste disparu en 2016, illustre ce climat : neuf ans après les faits, aucune enquête sérieuse n’a été menée, malgré le changement de régime en 2020.
Violences et impunité : des cas emblématiques
À l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, la Maison de la Presse du Burundi a accueilli une rencontre entre professionnels des médias et représentants des institutions de régulation. La présidente, Mireille Kanyange, a fermement condamné les violences récentes contre les journalistes, citant notamment l’agression de Willy Kwizera (Bonesha FM) à l’Université du Burundi, ainsi que l’arrestation de ce dernier et d’Ahmad Massoud Mugiraneza (Radio Nderagakura) alors qu’ils couvraient un sit-in à Kinama. Elle a appelé les autorités à réagir rapidement pour protéger les journalistes et garantir l’accès à l’information.
La présidente du CNC, Espérance Ndayizeye, a de son côté, pointé la précarité des conditions de travail des journalistes. De nombreux organes de presse peinent à rémunérer leurs employés, certains journalistes accusant jusqu’à six mois d’arriérés de salaire. Elle a insisté sur la nécessité de respecter la législation en vigueur et d’offrir des contrats de travail dignes.
Le thème retenu cette année par l’UNESCO pour la Journée mondiale de la liberté de la presse est centré sur l’impact de l’intelligence artificielle sur la liberté de la presse et les médias, une problématique mondiale qui suscite des débats sur l’avenir du journalisme à l’ère numérique.