Les activités liées au changement de la constitution ont commencé dans tout le pays il y a environ 3 mois. La première était l’enrôlement des électeurs. Selon nos sources, dans presque toutes les provinces du pays, des communiqués ont été lus dans différentes églises pour faire savoir à toute la population que, désormais, elle n’aura droit, ni de se faire soigner, aller puiser de l’eau ou acheter quoi que ce soit sans montrer son récépissé. Les mêmes sources révèlent que des Imbonerakure du parti au pouvoir sillonnaient collines, villages, villes et quartiers, traquant tous ceux qui ne s’étaient pas encore fait enregistrer comme électeurs. Et, poursuivent nos sources, pour intimider la population, ces jeunes du parti CNDD-FDD notaient les numéros de ces récépissés dans des cahiers qu’ils trimbalent toujours avec eux. Les milieux scolaires n’ont pas non plus été épargnés, souligne une de nos sources. Pour avoir accès aux cours, les élèves devraient présenter leurs récépissés qui, la plupart du temps étaient ensuite confisqué par la direction.
La goutte qui a fait déborder le vase, c’est la mort d’un certain Simon BIZIMANA, citoyen de la commune Cendajuru en Province Cankuzo. Torturé par la police en date du 14 Février pour avoir refusé de se faire enregistrer à cause de ses convictions religieuses, il a fini par rendre son âme 3 jours après.
De l’enrôlement forcé à la campagne partiale et musclée.
Au cours de ces activités, deux membres du FNL de la coalition Amizero y’abarundi ont été tués. Ce dimanche 13 Mai, un certain Juvénal NKURUNZIZA a été tué à coup de bâtons par le nommé Félix NSHIMIRIMANA, vice-président de la ligue des jeunes Imbonerakure dans la commune Ntega de la province Kirundo. 12 autres membres de cette coalition ont été sérieusement blessés par cette milice ainsi que 4 autres portés disparus. Tous ont été victimes d’avoir participé dans la campagne référendaire organisée par les hauts cadres de la coalition Amizero y’Abarundi sur la colline Gisitwe.
Un autre membre de la coalition Amizero y’Abarundi dans la province de Gitega a été tué par les Imbonerakure au cours de la campagne référendaire.
Plus de 100 membres de cette coalition des provinces de Bujumbura, Cibitoke, Bubanza, Ngozi, Kayanza, Kirundo, Gitega, Karuzi et Muyinga ont été victimes des actes d’intimidation et harcèlement de la part de la milice Imbonerakure. Ils sont accusés de participer à la campagne référendaire qui sensibilise à voter ‘’NON’’ au prochain référendum. Au cours de cette campagne, 40 membres de la coalition Amizero y’Abarundi ont été emprisonnés et Roger ININAHAZWE, représentant de la jeunesse du parti Sahwanya Frodebu en zone Kanyosha est porté disparu depuis six jours. Il avait été arrêté par les agents du service national de renseignements. Le président de ce parti dans la commune Rusaka de la province Mwaro a été lui aussi arrêté et emprisonné. Il a été reproché de sensibiliser la population à voter ‘’NON’’ aux prochaines élections référendaires.
A ceux-là s’ajoutent une centaine de membres du parti MSD qui ont été également victimes de cette chasse à l’homme. 20 parmi eux ont été arrêtés et emprisonnés, 45 torturés et plus d’une centaine qui ont été contraints à l’exil.
Un référendum qui n’en est finalement pas un.
Selon Sylvère Nimpagaritse, ancien vice-président de la Cour constitutionnelle du Burundi, la seule personne habilitée à prendre une telle décision, selon l’article 298 de l’actuelle constitution, est le Président de la République constitutionnellement reconnu et non un usurpateur. » Ce qui a poussé d’ailleurs les acteurs de la vie du pays en exil à le considérer comme un non-évènement. Selon Maitre François NYAMOYA, cela ne devrait pas les distraire de leur mission première, à savoir combattre le pouvoir dictatorial de Pierre NKURUNZIZA.
« Il y a déjà eu beaucoup de commentaires sur ce référendum. Pour nous, ce changement de la constitution n’apporte rien de positif. Son objectif est de garder Pierre NKURUNZIZA éternellement au pouvoir et de mettre fin à l’accord d’Arusha qui a emmené la paix. En ce qui nous concerne, ça ne change strictement rien. L’objectif est toujours le même : la chute de Pierre NKURUNZIZA et de son parti, le CNDD-FDD. Et ce référendum ou pas. »
Quant à la société civile en exil, Pierre NKURUNZIZA se fourre le doit dans l’œil s’il pense que ce référendum résoudra le conflit du moment.
« La constitution de NKURUNZIZA est extrêmement dangereuse pour le Burundi parce qu’il vient de casser un consensus historique qui avait été atteint dans l’accord d’Arusha. Mais, s’il pense qu’en agissant ainsi il va nous faire tous taire, il fait une erreur monumentale. Nous n’allons pas cesser de condamner les crimes qu’il est entrain de commettre, et même de refuser la légitimité de son pouvoir. Et là il se trompe également, c’est que non seulement aujourd’hui il aura affaire avec l’opposition politique et la société civile, il aura aussi une forte opposition à l’intérieur, même si il ne le voit pas encore. Parce que ce qu’il est entrain de faire, c’est bloquer d’autres personnalités qui aspiraient aussi au pouvoir. Et, sans alternance, ceux-là vont le combattre autrement. »
Des élections sans observateurs
A quelques heures de la date prévue pour le référendum constitutionnel, aucun pays n’a demandé à envoyer des observateurs pour veiller au bon déroulement de ce scrutin.
Pour l’expert en droit international, cela démontre le climat tendu qui règne entre Bujumbura et la communauté internationale. « Une mission d’observation électorale est une pratique qui est courante et généralisée qui montre l’intérêt que la communauté internationale a pour le développement d’un état de droit dans un pays. Il n’y a pas de cadre juridique stricte qui existe en matière d’encadrement des observations internationales. Il y a plutôt un code de conduite et des lignes directrices des Nations-Unies qui datent de 2005. Dans ces lignes directrices, il est dit que le but d’une observation internationale d’élection est de garantir, d’observer ou de vérifier que l’Etat qui organise le scrutin respecte ses engagements internationaux, notamment au titre du pacte international sur les droits civils et politiques que le Burundi, tout comme la plupart des Etats du monde d’ailleurs, a ratifié. Maintenant il est certain que, dans les conditions qui ont été dénoncées par la l’Union Européenne, notamment sur les conditions d’organisation du scrutin, en l’absence d’ouverture particulière de la part de l’Etat, il n’ya pas nécessairement la volonté de forcer à tout prix le bras de fer en rentrant dans une négociation musclée pour envoyer les observateurs internationaux. Ici, on est à quelques heures du scrutin et il n’y a absolument personne. Il y a eu un relais dans la presse sur le fait qu’il n’y avait pas eu de demandes d’accréditation de la part d’un quelconque partenaire international pour envoyer les observateurs internationaux. Donc, on peut supposer qu’effectivement, il n’y aura personne. » Souligne Emmanuel KLIMIS, expert en droit international.
Quant au politologue Yves STEPHANE, il prône purement et simplement des sanctions économiques pour contraindre NKURUNZIZA à privilégier le dialogue inclusif. « C’est un référendum de force qui est organisé avec des intimidations. Et c’est finalement la base du consensus burundais qui est en train d’être bafoué, notamment les Accords d’Arusha. Pour moi, c’est un simulacre de référendum qui ne laisse présager rien de stable. C’est pour cela qu’il revient à la communauté sous régionale de voir comment, éventuellement, de rompre toute relation diplomatique et d’isoler le Burundi. Comme ça ce pouvoir illégitime va se sentir asphyxié, non seulement politiquement, mais également économiquement. Et c’est cette arme-là qui pourra faire plier ce gouvernement. Tant qu’il n’ya pas ce genre de blocage ou d’embargo, le pouvoir de Bujumbura aura toujours les moyens de résister, comme on l’a constaté ces 3 dernières années. »