Dans une déclaration lue à la presse ce mercredi à Bujumbura, le président de la Ligue Iteka Anchaire Nikoyagize salue la décision prise par les États membres de l'Union européenne de mettre en place avec les autorités burundaises la procédure de consultation prévue par l'article 96 de l'accord de Cotonou en cas de violation des droits humains. « Nos organisations appellent l'UE et les autorités burundaises à clarifier au plus vite un agenda d'actions à mener afin de mettre fin à la vague de violence et de répression qui sévit dans le pays depuis plusieurs mois » a déclaré le président de la ligue Iteka.
Ces organisations sont la Fédération internationale des associations de défense de droits de l’homme, la Ligue Iteka et la Ligue des droits de la personne dans la région des Grands lacs qui estiment que : « La gravité et l'ampleur des violations des droits humains commises au Burundi et le manque de volonté manifeste des autorités d'y remédier demandaient sans plus de délais que l'Union européenne renforce sa pression sur les autorités burundaises ».
La FIDH, ITEKA et la LDGL proposent une feuille de route comportant un certain nombre de points dont la mise en place d'un dialogue national qui soit crédible, inclusif et effectif ; la mise en place de mesure significatives afin de mettre fin à l'impunité notamment en menant des enquêtes et poursuites impartiales et indépendantes contre les présumés responsables d'exécutions sommaires et extra-judiciaires, d'assassinats ciblés, d'actes de torture et autres violations graves des droits humains ; l'arrêt immédiat des entraves à l'action des défenseurs des droits humains et des journalistes ainsi que des garanties de leur protection ; la réouverture immédiate des stations de radio privées suspendues depuis plusieurs mois ; la libération immédiate de toutes les personnes arbitrairement détenues ainsi que le désarmement de tous les groupes paramilitaires, y compris des éléments au sein des ligues des jeunes des partis politiques, dans le strict respect du droit international
La FIDH, la Ligue ITEKA et la LDGL en appellent par ailleurs l'Union européenne à coordonner au plus prêt ces consultations avec les actions de l'Union Africaine en matière d'enquête sur les violations des droits humains au Burundi et à soutenir le renforcement des observateurs des droits humains et des experts militaires de l'UA.
L'accord de Cotonou, signé en 2000, fixe le cadre des relations entre l'Union européenne et 78 pays de la zone Afrique Caraïbes et Pacifique (ACP). La procédure de consultation prévue par l'article 96, dite « Procédure de consultation et mesures appropriées concernant les droits de l’homme, les principes démocratiques et l’État de droit « peut être déclenchée « en cas de non-respect par une des parties des éléments essentiels de l'accord ».
Le Gouvernement n’a pas encore pris de décision, le CNDD-FDD hausse le ton
Le gouvernement burundais via le Ministre des Relations extérieures Alain Aimé Nyamitwe a déclaré sur RFI : « l’accord de Cotonou stipule les droits et les obligations de chacune des parties. C’est sur la base de ces rapports juridiques que nous comptons inscrire la réponse que nous donnerons à cette demande de l’Union européenne. Dans tous les cas, une partie ne va pas imposer à l’autre sa façon de voir les choses. L’Union européenne ne peut pas nous l’imposer, puisqu'ici, il s’agit de deux parties. On doit donc parler, discuter. On a quand même assez de temps, on a trente jours pour pouvoir se prononcer et éventuellement décider de la tenue de ces consultations ».
Pour sa part, le parti au pouvoir CNDD-FDD est intransigeant. « L’Union Européenne a fait son choix et a décidé de créer un autre gouvernement burundais en dehors des frontières du pays qu’elle appuie de toutes ses forces sur le dos du gouvernement légitime » peut-on lire dans un communiqué publié ce mardi en réaction à la décision de réaffecter l’appui de l’UE au soutien aux réfugiés burundais. Le parti présidentiel s’attaque à nouveau à la Belgique : « le véritable conflit réside entre le Peuple Burundais et son ancienne puissance colonisatrice à savoir la Belgique soutenue par l’Union Européenne et entraînant aussi l’Union Africaine à cause de leur financement à cette organisation africaine ».
Pascal Nyabenda président du parti et en même temps président de l’Assemblée Nationale signataire du communiqué refuse ce qu’il qualifie de « néocolonialisme écrasant et étouffant » et demande à la Belgique de « comparaître devant le peuple Burundais pour lui demander pardon et l’indemniser à cause d’une souffrance sans nom qu’elle a fait subir au pays et à son peuple pendant plus d’un siècle à travers des incitations à la haine ethnique , des organisations des massacres et au versement de sang des burundais, aux renversements des institutions suivis toujours de massacres voire parfois de génocide ».
La même attaque est lancée contre l’Union Africaine suite à la résolution adoptée récemment par son conseil paix et sécurité : « Il n’ est pas compréhensible qu’à peine sorti des élections réalisées dans le calme absolu et dans la sagesse qui ne s’observe nulle part au monde le peuple burundais soit agressé encore une fois par une organisation africaine en lui intimant l’ordre de renoncer à sa souveraineté et d’oublier les résultats des élections de 2015 pour aller de force dialoguer avec des putschistes à Kampala en Ouganda »
La crise au Burundi a débuté au mois d’avril 2015 avec les manifestations au lendemain de l’annonce de la candidature du Président Nkurunziza de briguer un troisième mandat très contesté. Plus de 120 personnes ont été tuées selon différentes organisations des droits de l’homme, plusieurs autres sont portées disparues et des centaines emprisonnés. La sécurité est également précaire dans plusieurs quartiers de la ville de Bujumbura.