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Radio Publique Africaine
“La voix des sans voix”

« Le Conseil Supérieur de la Magistrature ou un joueur déguisé en arbitre »

« Le Conseil Supérieur de la Magistrature ou un joueur déguisé en arbitre »

Devant les membres de son gouvernement, des responsables de différents secteurs, journalistes et population, le Président de la République a encore une fois affirmé ses ‘’prérogatives’’ de revoir les jugements rendus, ‘’mal rendus’’ explique-t-il.  Des experts en droit parlent d’une mauvaise interprétation et/ou violation consciente des lois du pays.

 Au cours de l’émission publique animée en date du 29 décembre 2023, au stade AMAHORO de la commune Kigamba en province Cankuzo (Est du pays), le président Evariste Ndayishimiye répondant à la question de savoir si ‘’les prérogatives du Conseil Supérieur de la Magistrature  de revoir des jugements coulés en force de chose jugée ne constitueraient pas en fait une immixtion de ce conseil dans le système judiciaire‘’,  le Président de la République a répondu  que le  « Conseil Supérieur de la Magistrature est  un organe supérieur de la magistrature, chargé de revoir les jugements mal rendus ; rappelant que le  Président de la République  qui dirige le conseil a la qualité de magistrat suprême du pays. »

‘’Je suis le magistrat suprême, j’ai le droit même de demander sur base de quoi tel ou tel jugement a été rendu. Ce n’est pas de l’ingérence, j’en ai les prérogatives de par la loi fondamentale du pays.’’ A expliqué le Président Ndayishimiye

 Le Conseil  Supérieur de la Magistrature, une instance  plutôt disciplinaire

La loi du 23 janvier 2021 portant organisation et  fonctionnement du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) étend au Conseil le pouvoir  de « statuer sur les mal jugés manifestes coulés en force de chose jugée » et de « contrôler la qualité des jugements, arrêts et autres décisions judiciaires dénoncés ou portés à la connaissance du Conseil ainsi que leurs mesures d’exécution. »

Une loi qui entre en contradiction avec d’autres textes régissant le secteur judiciaire.

La loi fondamentale du Burundi en vigueur depuis 2018 stipule en effet dans son article 216 que : « le CSM est la plus haute instance disciplinaire de la magistrature. Il connait des plaintes des particuliers ou de l’Ombudsman concernant le comportement  professionnel des magistrats ainsi que des recours des magistrats contre des mesures disciplinaires ou des réclamations  concernant leur carrière.’’

Et l’article 214 de la même Constitution mentionne que : « Le Président de la République, le Chef de l’Etat, est le garant de l’indépendance de la magistrature. Il est assisté  dans cette mission par le CSM. »

Toujours sur son chapitre en rapport avec le pouvoir judiciaire,  la Constitution du  07 juin 2018 précise que: « La justice est rendue par des cours et tribunaux  sur tout le territoire de la République au nom du peuple Burundais », lit-on à l’article 210.  Et le CSM n’est pas répertorié parmi ces organes qui rendent justice par le code d’organisation et de la compétence judiciaires en vigueur.

En qualité de ‘’magistrat suprême’’, le Chef de l’Etat a le pouvoir d’accorder la grâce présidentielle  et là aussi uniquement en matière pénale, clarifie Prof Didace Kiganahe, Dr en droit constitutionnel. L’ancien ministre de la justice souligne que  le Président de la République ne peut autrement intervenir en matière judiciaire.  Le droit de grâce lui conféré par la Constitution en son article 114, ne s’applique pas en matière de justice civile, commerciale et encore moins constitutionnelle, insiste le constitutionaliste Kiganahe qui ajoute que ‘’Le CSM n’est ni un tribunal ni une cour, donc toute décision du CSM revoyant une décision judiciaire violerait l’article 210 de la Constitution et serait nulle et de nul effet.’’

 Missions  du Conseil Supérieur de la Magistrature : Un contrôle du pouvoir politique sur le pouvoir judiciaire?

Qualifiant le  CSM de ‘’joueur déguisé en arbitre’’, le Dr en droit Aimé-Parfait Niyonkuru estime que ‘’L’extension des missions du CSM, par la loi du 23 janvier 2021, cache mal la volonté du pouvoir politique en général, celle de l’Exécutif en particulier, de renforcer son contrôle sur la Justice.’’

Pour cet expert en droit, un organe administratif qui censure le juge, y compris le juge de la Cour Suprême, rend impossible l’accomplissement, par le pouvoir judiciaire, de son rôle de « gardien des droits et des libertés publiques » lorsque le pouvoir politique est l’auteur des violations de ces droits.  

’A quoi servirait, par exemple, le contrôle judiciaire de la légalité des actes réglementaires et individuels du Président de la République quand le Conseil que préside ce dernier, au travers du contrôle des décisions judiciaires, peut retoquer les décisions coulées en force de chose jugée rendus par le juge administratif’’, s’interroge  en concluant le Docteur  en droit Aimé-Parfait Niyonkuru.

 

 

 

 

 

 

 

 

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