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Tribune: FACE A L’IMPASSE POLITIQUE, LE BURUNDI DEVRAIT ENGAGER DE VRAIES REFORMES POLITIQUES ET ECONOMIQUES

Tribune: FACE A L’IMPASSE POLITIQUE, LE BURUNDI DEVRAIT ENGAGER DE VRAIES REFORMES POLITIQUES ET ECONOMIQUES

Les Institutions Financières Internationales exigent des Réformes Macro-Economiques, les Burundais demandent des Réformes Politiques et de Gouvernance.

 Par André NIKWIGIZE

 

Depuis 30 ans, le Burundi est plongé dans des crises politiques profondes qui, aujourd’hui, continuent et conduisent le pays dans une implosion socio-économique sans précédent, avec des conséquences dramatiques sur les populations. Le Burundi fait face à une triple crise : politique, économique et de gouvernance.

Depuis 2000, l’évolution politico-économique du Burundi est passée de l’espoir à la désolation.  Les nombreuses crises ont pour conséquences : des massacres de citoyens, des exils et déplacements forcés, la fermeture de l’espace politique et aux medias, et, progressivement, l’instauration d’une dictature par le parti au pouvoir. Le Chef de l’Etat annonce des politiques qui ne sont jamais mises en œuvre, des mesures antisociales sont prises par le Gouvernement, la population vit dans l’extrême pauvreté, la faim et la peur, la croissance de la production nationale est nulle, l’inflation a atteint de niveaux inacceptables, la monnaie nationale se déprécie fortement, tandis que la corruption se généralise et affecte tous les secteurs et tous les niveaux de l’Administration.

Le moment est venu pour que le Gouvernement du Burundi, en concertation avec toutes les élites, les acteurs politiques, la société civile, la Diaspora, les confessions religieuses,  s’engage à adopter de vraies réformes politiques, économiques et de gouvernance, lui permettant de sortir de l’impasse politique dans laquelle il se trouve.

Impasse politique. Les valeurs du « Vivre-Ensemble » sautent un à un

 

 L’ethnisme comme mode de gouvernement

Depuis plus de six décennies, le Burundi vit dans le miroir ethnique, entre Hutu et Tutsi, sans que réellement les concernés eux-mêmes ne sachent la signification de ces concepts. Le sentiment d’appartenance ethnique a progressivement créé un divorce durable et profond au sein de la population. Des populations sont privées de leurs droits à cause de leur appartenance ethnique. Des jeunes sont discriminés dans les écoles parce qu’ils sont de telle ou telle ethnie. Le même système de discrimination/exclusion est utilisé dans les universités, mais aussi, dans l’accès aux emplois, dans l’armée, à la justice, aux services publics, et autres. Pendant des années, les leaders politiques se sont adonnés à un jeu d’équilibristes pour assurer aux uns et aux autres l’accès aux facilites disponibles, en fonction des pourcentages laissés par la colonisation, qui n’ont aucune base scientifique. Au 21ème siècle, ces théories ethnicistes ont-elles encore de la place ?

La Charte de l’Unité Nationale et l’Accord d’Arusha, aux oubliettes

En 1992 et 2000, les leaders politiques du pays avaient adopté deux instruments politiques sur lesquels seraient axés la paix, la réconciliation nationale et la relance économique du Burundi, à savoir : la Charte de l’Unité Nationale et l’Accord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation. Il est regrettable de constater que depuis 2000, les valeurs, qui avaient fondé l’espoir de tout un peuple, ont sauté en éclats : la justice, l’état de droit, la démocratie, la bonne gouvernance, le pluralisme politique, le respect des libertés et des droits fondamentaux de la personne, l’unité, la solidarité, l’égalité entre les femmes et les hommes, la compréhension mutuelle et la tolérance entre les diverses composantes politiques et ethniques.

Le 26 aout 2005, lors de son discours d’investiture, Pierre NKURUNZIZA, du parti CNDD-FDD, qui avait gagné les élections, déclarait ceci : « C’est une honte de voir que jusqu’à ce jour, l’image du Burundi à l’étranger est celui d’un pays de conflit et de division entre les Hutu et les Tutsi, un pays où la corruption, le mensonge, l’impunité et d’autres maux sociaux ont élu domicile. Depuis plusieurs années, la cohabitation pacifique entre les filles et les fils du Burundi est troublée, l’économie nationale est dans un état pitoyable de telle sorte que notre pays est classé comme étant un des pays les plus pauvres de la planète Terre...Nous devons rester solidaires et fournir beaucoup d’efforts et travailler ensemble en toute confiance. Nous demandons que tous les Burundais se sentent concernés, personne n’est exclu du chantier pour le développement de notre pays ».

Effectivement, le peuple burundais attendait du nouveau pourvoir, la paix, la stabilité et la relance économique, notamment, en mettant en œuvre la Charte de l’Unité Nationale et l’Accord d’Arusha. Ces deux instruments ont été mis aux oubliettes.

La crise de 2015 a exacerbé les crises

Avec la crise politique de 2015, l’image du Burundi fut celle des massacres, des disparitions forcées, des exécutions extrajudiciaires, des viols de femmes et jeunes filles, des tortures, des emprisonnements de jeunes burundais. Des centaines de milliers de burundais ont pris le chemin de l’exil, y compris les acteurs politiques, les membres des organisations de la société civile, des medias, des femmes et des jeunes. Jusqu’à son départ, en 2020, le Président NKURUNZIZA n’a jamais restauré la paix, la stabilité, ni mis en œuvre de projets pour redynamiser les secteurs de production.

Son successeur, issue des élections de 2020, Evariste NDAYISHIMIYE n’a pu restaurer, ni la paix, ni la stabilité, tandis que la population vit dans la pauvreté la plus extrême et la faim chronique. Durant les trois ans qu’il est au pouvoir, le Président NDAYISHIMIYE s’active à la moralisation de ses collègues du parti, ses collaborateurs de l’Exécutif, la Justice, les services de police et de sécurité, les hauts responsables qui dilapident et gaspillent les ressources publiques, les agents qui fraudent le carburant, le sucre, la bière, le ciment, les produits alimentaires et de première nécessité. Entretemps, la population crie a la faim, les pénuries diverses, les agents qui la raquette à longueur de journées. Le Président est impuissant à gérer cette crise politique, créée par ses collègues du parti, ses Ministres, par les Gouverneurs de Provinces et les Administrateurs Communaux. Il se bat sur tous les fronts et n’atteint que de maigres résultats. Ces discours, non suivis d’actions, fatiguent les populations et le Chef de l’Etat lui-même, qui commence à perdre espoir et  craint pour sa propre sécurité.

En décembre 2020, le Président du Conseil de Sécurité des Nations Unies avait demandé au Secrétariat Général des Nations Unies, à l’Union Européenne, à l’Union Africaine, à la Communauté d’Afrique de l’Est, à la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs et les Garants de l’Accord d’Arusha, de coordonner leurs efforts pour aider les parties prenantes burundaises à appliquer l’Accord d’Arusha, qui avait contribué à soutenir une décennie de paix.

L’espace politique fermé

Aujourd’hui, des centaines de milliers de burundais croupissent dans les camps de réfugiés dans les pays voisins ou déplacés à l’intérieur du pays, des jeunes sont emprisonnés injustement, pour avoir exprimé leur désapprobation a la violation des Accords d’Arusha, des journalistes sont emprisonnés, pour avoir exercé leur métier de journaliste, d’autres personnes ont purgé leur peine, mais restent détenues sans raison, les jeunes affiliés au parti au pouvoir, les Imbonerakure, tuent et terrorisent les populations. Des acteurs politiques et des représentants des organisations de la société civile et des medias, ont préféré prendre le chemin de l’exil pour leur sécurité. L’opposition politique intérieure est étouffée, tandis que l’opposition en exil n’est pas écoutée. L’espace politique est fermé et les burundais se retrouvent dans le système de parti unique.    

Une économie au bord de l’implosion

La situation politique ci-haut résumée a eu pour conséquences sur l’économie nationale.

L’extrême pauvreté et la faim

Consécutivement aux faibles investissements dans les secteurs de production tels que l’agriculture, les infrastructures, l’énergie et les technologies numériques, la production nationale a fortement baissé. Le Burundi est, aujourd’hui le pays le plus pauvre du monde. L'insécurité alimentaire est inquiétante étant donné que le pays occupe la dernière place sur l’indice de la faim dans le monde, en 2022, avec un score de 42%. Près d'un ménage sur deux (environ 6 millions de personnes) vit en situation d'insécurité alimentaire. Le niveau d'accès à l'eau et aux installations sanitaires est très faible et, à peine, 11 pour cent de la population totale a accès à l'électricité. Les prix des aliments sont en forte hausse, ce qui veut dire que de plus en plus de familles vont avoir du mal à se nourrir et nourrir correctement leurs enfants. Dans les situations de crise ou d’urgence, un tiers des ménages ont recours à des stratégies de survie qui épuisent leurs actifs productifs et domestiques, ce qui a des conséquences graves et parfois irréversibles sur leur capacité à produire des aliments ou à générer des revenus. L'économie continue d'être vulnérable aux chocs extérieurs et dépend fortement des donateurs, même si l'aide extérieure a été fortement réduite au cours des dernières années.

Ce qui est rare est cher…

Le Burundi est devenu un pays de crises répétitives et des hausses intempestives des prix des produits de première nécessité, en partie, à cause du manque de devises pour importer, en partie, par mauvaise gouvernance. En économie, il y a un principe qui dit que : « Ce qui est rare est cher ». Il est difficile de comprendre comment l’Etat peut blâmer les commerçants de ne pas disponibiliser les produits, le carburant, les engrais, le sucre, le ciment, la bière, et autres, tout en sachant que les principaux problèmes auxquels font face ces commerçants résultent du manque de devises pour importer les produits ou les matières premières, de l’insuffisance d’électricité, ainsi que les taxes et impôts intempestifs. Lorsque ces produits arrivent sur le marché en quantités insuffisantes pour satisfaire le marché, cela donne lieu à des spéculations et des hausses des prix. Sinon, les commerçants ne demandent pas mieux que de vendre et avoir des bénéfices. L’Etat devrait, plutôt, revoir toutes les chaines de production et de distribution, et lever, dans la mesure du possible, les goulots d’étranglement, au lieu de blâmer les commerçants et les spéculateurs.

Le surendettement public, l’inflation, la dépréciation de la monnaie

Les nombreuses crises ont, également, conduit le Burundi à se sur-endetter, pour faire face aux besoins financiers intérieurs, aussi bien auprès de la Banque Centrale et des institutions financières domestiques qu’auprès des institutions financières internationales. A la suite des sanctions économiques sévères, depuis 2016, par les partenaires de développement, l’Etat n’a eu d’autres choix que de s’endetter auprès du secteur bancaire et de la Banque Centrale, donnant lieu à un endettement intérieur excessif. La dette publique, qui s’élevait à 51,3% du PIB en 2015, atteint, aujourd’hui, 68%, dont 48,5% de dette intérieure et 19,5% de dette extérieure. Elle atteindrait, selon le FMI, 73% du PIB d’ici fin de l’année 2023.

Ces perturbations économiques ont entrainé un niveau d’inflation, de 38% fin 2022, niveau jamais atteint depuis plusieurs décennies, tandis que la monnaie nationale s’est fortement dépréciée, atteignant 100% en 2023, sur le marché officiel, et plus de 300%, sur le marché parallèle, en 10 ans.

La corruption, virus difficile à éradiquer

Depuis plusieurs années, la corruption et la mauvaise gestion des ressources publiques ont constitué un obstacle majeur à la bonne gouvernance et à la réduction de la pauvreté au Burundi. En 2005, lorsque le Président NKURUNZIZA accédait au pouvoir, il affirmait qu`il allait s`engager « à lutter de façon exemplaire contre ceux qui dilapident la richesse nationale ». Quinze ans après, en 2020, son successeur, Evariste NDAYISHIMIYE, prenait le même engagement, en déclarant qu’il allait aussi combattre la corruption : « le pillage et le gaspillage de la richesse nationale, la corruption, doivent être interdits. C’est moi qui suis chargé de cela, je demande aux Burundais de m’aider ». Malheureusement, les résultats atteints, à ce jour, sont médiocres. Le Burundi, classé 150ème pays le plus corrompu, en 2015, est classé 171ème, en 2022. Les hauts responsables de l’Etat, de la base au sommet, s’adonnent au commerce, aux fraudes diverses, aux détournements de fonds publics, aux pots-de-vin sur les marchés publics. Le Chef de l’Etat est impuissant à combattre ce phénomène, devenu un virus destructeur de l’économie.

Face à ces déséquilibres que peuvent faire les partenaires ?

Compte tenu de ces déséquilibres économiques et financiers, le Burundi et le FMI ont, récemment, conclu un Accord de Facilite Elargie de Crédit d’un montant de 271 millions de dollars US, sur 38 mois, destiné, notamment, restaurer les équilibres macroéconomiques et relancer la croissance économique. D’autres partenaires du Burundi, telles la Banque Mondiale, la Banque Africaine de Développement, l’Union Européenne, et autres, ont promis de soutenir le Burundi dans ce processus de relance économique, par des prêts aux projets. Mais la question fondamentale qu’on se pose est : à quoi vont servir ces réformes s’il n’y a pas de réformes pour la restauration de la paix, la gouvernance politique et la relance de la production ? Le Burundi va-t-il toujours compter sur l’aide extérieure ? Comment va-t-il rembourser ces crédits, qui, chaque année, mettent la corde au cou de l’économie nationale ?

Des réformes politiques et économiques sont nécessaires avant les élections de 2025

Comme cela se voit, dans les discours, dans les mesures et politiques prises, l‘attention des responsables politiques, particulièrement du parti au pouvoir, le CNDD-FDD, est focalisée sur les élections de 2025 et 2027. La misère de la population n’est pas dans les priorités du Gouvernement. Il suffit de se référer au budget annuel 2023/2024 dans lequel les secteurs en faveur des pauvres ont eu des budgets très minimes.

L’année 2023 est marquée par une profonde crise multidimensionnelle : politique, économique, gouvernance et sociale. Des tensions politiques sont palpables, avec des assassinats, un climat de terreur et des attaques des groupes armés. L’opposition est pratiquement inexistante, le seul parti de l’opposition, le CNL, est en voie de démantèlement, tandis que les autres partis d’opposition, ont, soit, accepté de s’allier au parti au pouvoir, soit, ils ont pris le chemin de l’exil, d’où ils expriment leurs vues. Beaucoup de citoyens sont emprisonnés, laplupart, pour avoir exprimé des idées contraires à celles du parti au pouvoir, y compris les jeunes, les journalistes et les militants des partis de l’opposition. La gouvernance est également en crise, avec des responsables administratifs et locaux corrompus, qui gaspillent et dilapident les ressources publiques, mais également qui se soucient peu de l’autorité du Chef de l’Exécutif. La pauvreté extrême et l’insécurité alimentaire chronique qui touchent la majeure partie de la population. Enfin, au niveau social, en plus de la pauvreté et la faim, une grande proportion de la jeunesse est sans emploi, tandis que les secteurs de l’éducation et de la santé ne sont pas soutenus. 

A cet effet, afin d’émerger des présentes crises socio-politiques dans laquelle se trouve le Burundi, et organiser les élections prochaines dans un environnement apaisé, le Gouvernement du Burundi devrait saisir l’occasion de l’Accord avec le FMI, pour engager de vraies réformes politiques, économiques et de gouvernance.

  1. Des Réformes Politiques. Il s’agira de :
  • Créer un climat de paix pour la population. Un nouveau discours rassembleur devra être servi à la population et bannir les langages de haine et de terreur qui ont caractérisé certains hauts responsables du parti au pouvoir, notamment à l’égard de ceux qui ne sont pas membre du parti au pouvoir.
  • Ouvrir l’espace politique aux acteurs politiques de l’opposition, et leur permettre d’organiser des meetings avec la population
  • Organiser un Dialogue Politique National, dans lequel participeraient les acteurs politiques, de l’intérieur et en exil, les organisations de la société civile, les medias, les organisations de femmes et de jeunes, en vue de discuter sur la plateforme de restauration de la paix et de l’organisation des élections apaisées et inclusives.
  • Mettre en place un cadre de suivi des recommandations issues du Dialogue Politique.

 

  1. Des Réformes Economiques.
  • Poursuivre le programme de stabilisation avec le FMI. Les différentes mesures du programme requièrent une discipline budgétaire et un suivi strict. D’ores et déjà, le budget 2023/24 ne semble pas appliquer cette discipline, avec des taxes et impôts irréalistes, et des allocations de dépenses, plutôt, politiques.
  • Dégager des ressources pour investir dans les secteurs de production : agriculture, infrastructures, énergies renouvelables, technologies numériques.
  • Mettre en place un cadre et un environnement incitatif aux investisseurs privés étrangers, aux touristes et à la Diaspora Burundaise. Les niveaux d’apports financiers de ces trois acteurs sont insignifiants, comparés à ceux des pays de la région.

 

  1. Des Réformes de la Gouvernance
  • Restaurer le leadership du Chef de l’Etat. Les actes d’insubordination des hauts responsables du parti au pouvoir, de l’administration et de la justice sont des signes d’un affaiblissement de l’autorité du Chef de l’Etat, à qui la Constitution donne les pleins pouvoirs de démettre les responsables peu performants et les remplacer par d’autres plus compétents.
  • Combattre la corruption. Activer les instruments de lutte contre la corruption, arrêter les coupables, les traduire devant les juges, et saisir et vendre leurs propriétés en vue de rembourser les ressources dilapidées.
  • Adopter des discours de rassemblement et non de division.

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