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Radio Publique Africaine
“La voix des sans voix”

Burundi : un mandat parlementaire libre en théorie, verrouillé en pratique

En 2009, le code électoral burundais a été modifié pour introduire la perte automatique du siège parlementaire en cas de changement ou de rupture d’appartenance politique. Cette réforme, selon l’analyse du Professeur Denis Banshimiyubusa, politologue à l’Université du Burundi, vise à renforcer le contrôle sur les élus. Mais elle soulève une interrogation majeure sur la nature même du mandat parlementaire.

Pour le Professeur Banshimiyubusa, le mandat parlementaire est un contrat de confiance entre les citoyens et leurs représentants. En élisant un député, les électeurs lui confient la responsabilité de défendre leurs intérêts et de participer à l’élaboration des lois. Ce lien constitue, selon lui, le socle de la démocratie représentative.

Il distingue deux conceptions du mandat. Le mandat impératif impose à l’élu une stricte obéissance aux instructions de ses électeurs ou de son parti. Dans ce modèle, la discipline prime, et le parlementaire peut être révoqué s’il s’en écarte. À l’opposé, le mandat représentatif accorde à l’élu une indépendance totale : il ne représente pas uniquement sa circonscription ou son parti, mais la nation entière. Dans les pays adoptant ce modèle, le mandat impératif est interdit, et l’élu conserve son siège même en cas de rupture avec son parti, car il agit dans l’intérêt national.

Une Constitution contredite par le Code électoral

La Constitution burundaise de 2018 affirme clairement le caractère représentatif du mandat parlementaire. L’article 102 stipule que « le mandat des parlementaires est de caractère national, tout mandat impératif est nul, le vote des parlementaires est personnel ». Ce principe figurait déjà dans la Constitution du 1er juillet 1962, qui affirmait que les membres du Parlement représentaient la nation entière.

Mais dans les faits, la pratique politique burundaise s’éloigne de ce modèle. Le Professeur Banshimiyubusa note que les critères de désignation des parlementaires reposent sur la circonscription, l’appartenance politique, l’ethnie et le genre. L’appartenance politique domine, réduisant l’indépendance des élus. Depuis 2009, l’article 112 alinéa 3 du Code électoral inchangé dans les versions de 2014, 2019 et 2024 stipule qu’un député perd son siège s’il quitte volontairement le parti pour lequel il a été élu ou s’il en est exclu, après épuisement des recours légaux. Cette disposition lie donc le mandat au parti, en contradiction avec la liberté garantie par la Constitution.

Ce paradoxe institutionnel fait que, bien que la Constitution interdise le mandat impératif, le Code électoral en impose indirectement les effets. Pourtant, à ce jour, aucune déchéance pour rupture d’affiliation politique n’a été enregistrée, ce qui soulève des questions sur la portée réelle de cette disposition.

De l’intention constitutionnelle à la reprise en main politique

Lors de la rédaction de la Constitution de 2005, le CNDD-FDD s’était opposé à une clause prévoyant la perte automatique du siège en cas de changement de parti. La version finale de la Constitution avait donc retenu uniquement le principe du mandat national et représentatif, sans sanction pour rupture d’affiliation.

Mais après l’exclusion en 2008 de 22 députés proches de Hussein Radjabu, le CNDD-FDD a regretté l’absence de cette clause. Le parti s’est alors appuyé sur l’article 169 de la Constitution pour justifier leur déchéance, une lecture en contradiction avec l’intention initiale du constituant.

Une discipline au service d’une élite restreinte

En théorie, le contrôle du parti sur ses représentants vise à garantir la cohérence politique. En pratique, le Professeur Banshimiyubusa souligne que ce contrôle profite surtout à une élite restreinte. Les députés deviennent des relais du cercle dirigeant, souvent au détriment des préoccupations des électeurs.

Cette logique se traduit par une réduction du Parlement à un rôle d’enregistrement des décisions prises ailleurs. Les députés attendent les directives du parti avant de voter, ce qui affaiblit le rôle législatif et le principe de séparation des pouvoirs.

Un Parlement sous l’emprise du pouvoir exécutif

Selon l’analyse de Denis Banshimiyubusa, le fonctionnement du CNDD-FDD accentue la concentration des pouvoirs. Le président du Conseil des Sages, organe clé du parti, est aussi président de la République. Ce cumul permet à une seule personne de décider des exclusions internes, tout en dirigeant l’État. Ainsi, les parlementaires du parti majoritaire, qui dominent les deux chambres, se retrouvent entièrement dépendants de l’autorité du chef de l’État.

Cette configuration interroge l’autonomie réelle du pouvoir législatif et la nature même du régime démocratique burundais. Le système en place transforme progressivement les institutions représentatives en instruments de légitimation du pouvoir exécutif, au détriment du principe de démocratie pluraliste.

 

 

 

 

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