Isolement carcéral pour Bunyoni : sa santé mentale en danger
Les conditions de détention d’Alain Guillaume Bunyoni, ancien Premier ministre burundais, suscitent de vives inquiétudes. Arrêté en avril 2023 et condamné à la réclusion à perpétuité, il a été reconnu coupable d’avoir voulu renverser le gouvernement, d’avoir menacé la vie du président Évariste Ndayishimiye, ainsi que d’enrichissement illégal et de déstabilisation de l’économie. Il est détenu depuis à la prison centrale de Gitega.
Enfermé dans une cellule de quatre mètres sur quatre, isolé de tout contact humain et visiblement en détresse psychologique, il vit un isolement que des défenseurs des droits de l’homme qualifient d’inhumain et dangereux pour sa santé mentale.
Selon Pierre Claver Mbonimpa, président de l’APRODH, Bunyoni est confiné dans une cellule équipée du strict minimum : toilette, douche, eau et lumière. « Ces conditions matérielles sont là, mais le problème majeur, c’est le traitement qu’on lui inflige », affirme-t-il.
L’ancien Premier ministre ne peut pas ouvrir lui-même la porte de sa cellule, et même la personne chargée de préparer ses repas ne le voit jamais. La nourriture lui est remise uniquement par des policiers ou par le directeur de la prison. Depuis son incarcération, il n’a eu aucun contact avec les autres détenus, vivant ainsi dans un isolement complet.
Pierre Claver Mbonimpa rapporte également que Bunyoni refuse de sortir de sa cellule et se cache, comme quelqu’un en grande détresse psychologique. « Un jour, on l’a cherché en vain, et les policiers l’ont finalement retrouvé caché sous son lit, ce qui montre clairement que quelque chose ne va pas », explique-t-il.
Un médecin a été appelé pour évaluer son état, et le rapport conclut à un choc profond, voire un coma psychologique, Bunyoni ne parlant à personne. Bien qu’il ait droit à deux visites par semaine de sa femme ou de son enfant, il ne les voit que très rarement, deux fois par mois, en raison de la crise du carburant. Et même lorsqu’il les voit, il ne peut pas s’exprimer librement : les échanges sont surveillés et écoutés par les policiers.
Pour le président de l’APRODH, ces conditions de détention sont alarmantes. « À tout moment, on craint que Bunyoni ne meure en prison à cause des mauvais traitements. Nous demandons aux autorités burundaises de revoir d’urgence son régime de détention. Car s’il venait à mourir en prison, ce serait une perte irréparable, compte tenu des informations sensibles qu’il détient sur la situation au Burundi », conclut Pierre Claver Mbonimpa.
CEFOR-Arusha : “Le cas Bunyoni illustre la dégradation du respect des droits humains au Burundi”
Les conditions de détention d’Alain Guillaume Bunyoni traduisent, selon le vice-président du CEFOR-Arusha, une grave dérive en matière de respect des droits humains au Burundi. Jean Bosco Rwigemera estime qu’aussi lourdes soient les accusations portées contre l’ancien Premier ministre, celui-ci doit bénéficier des droits que lui confèrent la loi et les conventions internationales ratifiées par le pays.
« Ce que subit actuellement Alain Guillaume Bunyoni à la prison de Gitega dépasse le cadre d’une simple sanction judiciaire. Il s’agit d’un traitement indigne, contraire à toute notion de justice et d’humanité », déclare-t-il.
Pour le CEFOR-Arusha, le cas de Bunyoni reflète une tendance plus large de non-respect des droits fondamentaux des détenus.
« Les autorités doivent comprendre qu’aucun pouvoir n’est éternel. Aujourd’hui, elles détiennent le pouvoir, mais demain, elles devront peut-être rendre compte de leurs actes », prévient Rwigemera.
Le vice-président du CEFOR-Arusha appelle à une amélioration immédiate des conditions de détention de Bunyoni, rappelant qu’un détenu, quel qu’il soit, reste un être humain qui mérite d’être traité avec dignité.
« Une violation manifeste des droits humains », selon un juriste
Le traitement infligé à l’ancien Premier ministre burundais, Alain Guillaume Bunyoni, constitue une violation des lois nationales et des conventions internationales relatives aux droits des détenus, ratifiées par le Burundi. C’est l’analyse de Maître Félix Niyonkuru, juriste.
Ce spécialiste du droit rappelle que la législation burundaise garantit explicitement les droits fondamentaux des personnes incarcérées. Il cite notamment la loi n°1/24 du 14 décembre 2017 portant révision du régime pénitentiaire, qui reconnaît aux détenus le droit à l’alimentation, à l’hygiène, à la santé, à l’habillement, au contact avec l’extérieur, aux visites familiales, aux loisirs, à la formation et à la possibilité de déposer des plaintes et doléances. « Priver un détenu de ces droits constitue une violation manifeste des droits humains », affirme-t-il.
Le droit international impose un traitement humain et respectueux de la dignité inhérente à chaque personne privée de liberté, rappelle le juriste, un principe que, selon lui, le Burundi ne respecte pas dans le cas de Bunyoni.
Il appelle le président de la République et le pouvoir judiciaire à assurer l’application des lois régissant le traitement des détenus et à sanctionner les auteurs de ces violations, « à moins d’en être complices ». Il interpelle également le procureur général de la République, garant de l’ordre légal, à ne pas rester passif face à une telle situation.
Maître Félix Niyonkuru invite la Commission nationale indépendante des droits de l’homme (CNIDH) à se rendre sans délai à la prison centrale de Gitega afin de constater les faits et d’intervenir pour préserver la vie d’Alain Guillaume Bunyoni, dont l’état de santé est jugé préoccupant.
L’isolement total en prison expose Bunyoni à des troubles psychologiques graves, avertit un spécialiste
Reynolds Butari, spécialiste en sciences du comportement, alerte sur les effets graves de l’isolement subi par l’ancien Premier ministre burundais Alain Guillaume Bunyoni à la prison centrale de Gitega. Selon lui, l’absence totale d’interaction sociale peut provoquer des troubles psychologiques sévères, voire mettre la vie du détenu en danger.
« Lorsqu’une personne passe deux ans sans possibilité de parler à autrui, elle peut même en mourir », explique Reynolds Butari. Il qualifie cette situation de « torture blanche », un type de détention où le contact humain est totalement supprimé, utilisé dans certaines dictatures militaires pour neutraliser des personnalités jugées problématiques.
Le spécialiste précise que les symptômes associés à ce type d’isolement incluent hallucinations, perte du sens de la réalité et voix que le détenu est le seul à entendre. « Il peut commencer à voir des choses qui n’existent pas, entendre des voix, et perdre complètement le sens de la réalité. Cette forme de torture peut finir par conduire au suicide », avertit-il.
Reynolds Butari compare le cas de Bunyoni à celui de l’ancien ministre de la Défense du Soudan, resté en isolement complet pendant plus de vingt ans sous le régime d’Omar Béchir. « L’isolement complet prive une personne de tout repère, elle ne sait plus quel jour il est et perd tout lien avec la réalité », conclut le spécialiste.

