Sept organisations de la société civile burundaise appellent à une gouvernance inclusive et à l’élimination des discriminations

Par : Emmanuel Niyungeko
Le gouvernement du Burundi est appelé à rétablir une gouvernance inclusive fondée sur le respect de la Constitution, de l’Accord d’Arusha et sur les principes de compétence et d’équité. C’est ce qui ressort d’un rapport rendu public le 18 octobre 2025 par sept organisations de la société civile burundaise, à l’approche de l’examen du pays par le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD), prévu lors de sa 117ᵉ session du 27 novembre au 5 décembre 2025.
Le rapport met en évidence la persistance de discriminations envers plusieurs catégories de la population. Parmi elles figurent les Batwa, peuple autochtone vivant en situation de précarité extrême ; les rapatriés, notamment ceux revenant de Tanzanie ; les femmes dans leur accès aux postes de décision et aux ressources foncières ; les opposants politiques, acteurs de la société civile et médias indépendants ; ainsi que les personnes atteintes d’albinisme, souvent stigmatisées dès la naissance.
Selon ces organisations, la crise politique de 2015 a accentué ces pratiques de discrimination, qui se traduisent par des traitements différenciés fondés sur l’ethnie, l’appartenance communautaire ou l’allégeance politique. Le rapport cite l’exemple du Conseil National pour la Liberté (CNL), parti d’opposition, dont les bureaux ont été fermés et les congrès refusés. En janvier 2025, la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) a rejeté ses listes de candidats, invoquant le non-respect de l’article 105 du Code électoral sur les équilibres ethniques et de genre.
Le rapport dénonce également la politisation des institutions locales et de la fonction publique. Les recrutements et nominations, notamment à l’Office Burundais des Recettes (OBR) et dans le secteur de l’enseignement, se font sur la base de la proximité politique, excluant systématiquement les candidats perçus comme proches de l’opposition ou appartenant à certaines communautés. Les familles affiliées à l’opposition rencontrent des obstacles pour accéder à certains services administratifs, comme les actes de naissance ou les certificats de résidence, parfois conditionnés à la possession d’une carte de membre du parti au pouvoir.
Les femmes sont également confrontées à des barrières dans la gestion des affaires publiques et l’accès aux structures de décision, tandis que les Batwa restent largement privés de terres et d’opportunités éducatives. Les personnes atteintes d’albinisme subissent un rejet social et familial, accentué par des croyances culturelles discriminatoires, font savoir ces organisations.
Ces organisations mettent en garde contre la montée des discours de haine sur les réseaux sociaux, citant le cas du médium autoproclamé « Bimenye Ntaco Bitwaye », qui diffuse des messages ethnicisés et menaçants à l’encontre des Tutsis et de l’opposition. Elles soulignent que les réseaux sociaux peuvent être transformés en vecteurs de manipulation identitaire et de radicalisation, surtout dans un contexte où les blessures historiques demeurent présentes.
Le rapport mentionne également la situation des médias et des organisations de la société civile : depuis 2015, plusieurs structures ont été suspendues ou radiées, et des médias comme la Radio Publique Africaine (RPA) et la télévision Renaissance ont été fermés ou vandalisés.
Enfin, les sept organisations dénoncent la discrimination dans l’accès à l’emploi, aux postes administratifs et aux services publics, qui repose souvent sur le clientélisme politique et l’appartenance au parti au pouvoir. Elles demandent aux instances internationales d’exercer une pression sur le gouvernement burundais pour rétablir un État de droit réel, fondé sur la transparence, la justice et l’équité, et sur le respect de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, ratifiée par le Burundi depuis le 27 octobre 1977.
Les sept organisations signataires de ce rapport sont : l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT-Burundi), la Coalition Burundaise pour la Cour Pénale Internationale (CB-CPI), la Coalition de la Société Civile pour le Monitoring Électoral (COSOME), Ensemble pour le Soutien des Défenseurs des Droits Humains en Danger (ESDDH), le Forum pour le Renforcement de la Société Civile (FORSC), SOS-Torture Burundi et Tournons La Page Burundi (TLP-Burundi).