Depuis 2020, année du début de la législature actuelle, de nombreux problèmes surgissent dans presque tous les secteurs de la vie nationale. Dans ce contexte, l’Assemblée nationale du Burundi, censée représenter les citoyens et contrôler l’action du gouvernement, reste inactive. Pourtant, cette mission de contrôle fait partie de ses responsabilités essentielles. Ce silence, alors que les Burundais souffrent, s’apparente à une véritable trahison de la population.
Composée de 123 députés, dont une majorité (86) issue du CNDD-FDD, le parti au pouvoir, l’Assemblée nationale s’appuie sur huit commissions permanentes, chacune dotée de missions précises : affaires politiques, finances, bonne gouvernance, justice, défense, affaires sociales, agriculture et éducation. Selon le règlement intérieur, ces commissions ne se limitent pas à la seule fonction législative. L’article 31, alinéa 1, du règlement intérieur stipule qu’elles doivent suivre et évaluer la mise en œuvre de la politique gouvernementale dans tous les secteurs du pays. L’alinéa 3 précise qu’elles doivent produire des rapports d’information destinés à l’Assemblée nationale, rapports qui peuvent faire l’objet de débats en séance plénière, en présence des ministres concernés. Ces débats peuvent déboucher sur des résolutions ou des recommandations.
De plus, selon l’article 43, alinéa 2, le président de chaque commission peut demander l’audition d’un membre du gouvernement. Cette demande est transmise par le président de l’Assemblée nationale au président de la République.
Quand les députés agissent comme des salariés
Avec autant de prérogatives à leur disposition, rien ne devrait échapper aux députés. Sauf s’ils choisissent volontairement de détourner les yeux. Beaucoup s’interrogent : comment se fait-il que tant de choses aillent mal dans le pays, alors que les séances plénières se tiennent régulièrement et que les ministres sont convoqués pour répondre aux questions orales ?
L’article 127 du règlement intérieur confère à l'Assemblée nationale un pouvoir fort : celui de présenter une motion de censure contre le gouvernement ou une motion de défiance contre un ministre. Il suffit qu’un tiers des députés en prennent l’initiative, et que les trois cinquièmes l’approuvent pour que le ministre concerné démissionne.
Et pourtant, malgré les nombreuses défaillances observées dans les secteurs de l’économie, de l’agriculture, de l’élevage, ou encore dans le domaine des droits humains, l’Assemblée nationale n’a jamais exercé ces pouvoirs. Aucun ministre n’a été poussé à la démission. Aucune sanction politique n’a été envisagée.
Voix critiques : regards sur l’échec de l’Assemblée nationale
Les constats sur l’inaction de l’Assemblée nationale burundaise trouvent un écho auprès de plusieurs acteurs politiques et mouvements citoyens, qui vont plus loin dans la critique. Ils dénoncent non seulement le silence, mais aussi la soumission de cette institution au pouvoir exécutif, qui l’empêche de jouer pleinement son rôle.
Un Parlement paralysé par l’exécutif : l’alerte de Frédéric Bamvuginyumvira
Frédéric Bamvuginyumvira, président de la CFOR Arusha et ancien vice-président du Burundi, tire la sonnette d’alarme sur le dysfonctionnement des institutions burundaises, en particulier l’Assemblée nationale, qu’il accuse de ne plus remplir sa mission constitutionnelle.
Il déclare que ce n’est pas suffisant de convoquer un ministre ou un Premier ministre. Il explique qu’à un moment donné, ce dernier avait reconnu en pleine assemblée qu’il n’était pas capable de répondre aux questions des députés et pourtant, aucune réaction des députés pour le pousser à la démission, selon lui.
Bamvuginyumvira estime que cette inaction des députés s’explique par leur soumission aux chefs de partis politiques, dans l’espoir d’être reconduits au prochain mandat. Pour lui, le pouvoir exécutif contrôle tout, vidant ainsi de leur substance les autres institutions républicaines.
Il affirme que le Burundi est en train de descendre dans de graves difficultés.
MAP Burundi Buhire : des députés transformés en exécutants du CNDD-FDD
Le Mouvement d’action patriotique (MAP), par la voix de son porte-parole Libérât Bashirahishize, critique vivement la situation. Il affirme que les députés burundais sont des employés et fidèles du CNDD-FDD. Selon lui, ils suivent aveuglément toutes les décisions et orientations du parti au pouvoir, sans esprit critique ni souci de l’intérêt public.
Il ajoute que même face aux menaces pesant sur l’un des députés, les autres restent silencieux et passifs. Il rappelle que les rares députés qui tentent de remplir réellement leur mandat sont intimidés, menacés, voire emprisonnés, citant les cas de Fabien Banciryanino, incarcéré, et Jean Baptiste Sindayigaya, agressé et ayant échappé à un enlèvement.
Libérât Ntibashirakandi précise que celui qui ose défendre les intérêts du peuple est isolé, criminalisé, et parfois livré à la répression par ses propres collègues via la levée de son immunité parlementaire.
Le MAP affirme que tant que le CNDD-FDD reste au pouvoir, le peuple burundais ne peut rien attendre de positif de l’Assemblée nationale. Depuis l’arrivée de ce parti à la tête du pays, la situation du Burundi ne cesse de se détériorer, affirme-t-il.
Fabien Banciryanino : une Assemblée nationale sourde aux souffrances du peuple
Ancien député, Fabien Banciryanino est catégorique : le Parlement burundais trahit sa mission première, qui est le contrôle de l’action gouvernementale. Pour lui, à chaque dérive du pouvoir exécutif, les députés se réfugient dans le silence, abandonnant les citoyens à leur sort.
Il affirme sans exagération que l’Assemblée nationale n’apporte pratiquement rien aux citoyens. Elle ne représente ni ne défend le peuple.
Selon lui, ce manque d’action et de courage politique contribue à creuser un fossé entre les élus et la population, renforçant le sentiment d’abandon chez les Burundais.
La législature de 2020 prend fin dans quelques mois, et la campagne électorale pour la prochaine législature est déjà en cours.